C’est quoi un éco-lieu ?
C’est quoi un éco-lieu ?

C’est quoi un éco-lieu ?


Souvent, lorsque l’on nous interroge, revient cette même question : c’est quoi un éco-lieu ? Dans cet article, je vais tenter d’apporter quelques éléments de réponse en vous présentant, au travers de ces lignes, comment nous avons progressivement transformé notre lieu de vie en un endroit ouvert sur le monde et sur l’environnement.

C'est quoi un éco-lieu ? - Couverture

Commençons par une définition, compilée par mes soins depuis différentes sources, comme wiképédia  : c’est quoi un éco-lieu ?

« Un éco-lieu est un espace tiers visant à expérimenter un autre mode de vie, où le respect de la nature et du vivant sont au cœur des préoccupations. Associant une recherche d’autonomie, une démarche écologique, un retour à la ruralité ou une transformation urbaine, les habitant.e.s des éco-lieux construisent et explorent de nouveaux possibles et façons de vivre ensemble, notamment au travers d’une démocratie directe, active et partagée. »

En d’autres termes, les éco-lieux sont des zones collectives, pour l’instant majoritairement situées en milieu rural, qui ont pour ambition de contribuer à la création d’un monde plus résilient et plus durable, tout en faisant écho aux aspirations des celles et ceux qui y habitent. Surnommés « les communautés du futur » ces endroits, d’une manière générale, ont pour vocation : 

  • d’inventer une vie et des activités plus riches de sens en se soumettant à des travaux utiles à chacun et respectueux de l’environnement (maraîchage, artisanat, épicerie, etc.) ;
  • de prôner la sobriété matérielle, financière et en ressources naturelles (l’idéal étant d’atteindre l’autosuffisance) ;
  • d’améliorer la solidarité (s’échanger des savoir-faire, par exemple).

Un projet, une vision

Ce qui différencie un éco-lieu (ou éco-village ou éco-hameau selon sa taille et le nombre de résidents permanents) d’une communauté volontaire, c’est l’intégration, dès sa création de pratiques telles que (liste non exhaustive) : la permaculture et le respect du vivant, l’alimentation végétarienne, voire végétalienne, la construction écologique, le jardinage collectif et la gestion collective des lieux communs, le recours aux énergies renouvelables et l’autonomie énergétique, l’agriculture auto suffisante, la démocratie participative, la communication non violente, le développement personnel, l’éducation alternative, le regroupement multigénérationnel et multisocial…

Lorsqu’avec Fabienne nous avons décidé de nous engager sur le sentier de l’Awen, afin de transformer notre lieu de vie acheté en 2020 en un espace d’accueil ouvert sur le monde, la forêt et à l’écoute du vivant, nous avons dés le départ décidé qu’il serait conçu selon les principes de la permaculture, qu’il serait un endroit où nous encouragerions une autre alimentation, au travers d’une cuisine bio, locale et végétarienne et nous nous étions fixés comme premier objectif d’atteindre l’autonomie en énergie électrique assez rapidement.

Nous voulions également reconvertir une partie du jardin (largement en friche à notre arrivée) en un potager qui nous permettrait à terme d’alléger nos factures de courses et tout cela, avant d’accueillir de premiers habitant.e.s temporaires avec lesquel.le.s partager notre vision. Vaste ambition 🙂 Où en sommes nous après bientôt quatre ans ?

C’est quoi un éco-lieu ? Observation et conception

Tout projet permacole commence par un design (une conception) visant à en prendre en compte tous les aspects (environnementaux, naturels, énergétiques, humains) et ce, dans toutes leurs dimensions.

Un design en permaculture est un processus élaboré et itératif sur lequel je ne m’attarderai pas dans cet article. J’y reviendrai plus en détail prochainement et vous invite, si vous êtes intéréssé.e.s par ce sujet, à parcourir quelques ouvrages* et/ou à vous inscrire au stage d’initiation à la permaculture que nous proposons, au cours duquel nous aborderons de manière approfondie le principe de design en permaculture, qui est l’essence même de toute conception.

Pour l’heure, sachez simplement que notre propre design est en perpétuelle évolution, puisqu’il se nourrit, semaines après semaines, mois après mois, saisons après saisons de nos réflexions, de nos analyses, de nos tests, de nos décisions, toutes basées sur une méticuleuse et lente observation de nous-mêmes, de notre lieu de vie et de son environnement.

Je recommande vivement à toute personne ou collectif souhaitant se lancer dans un projet d’éco-lieu ou d’éco-village de ne pas foncer tête baissée et d’accorder tout le temps nécessaire à cette étape indispensable qu’est l’observation.

Observer les lieux, les environs, s’observer soi et les autres

D’une longue période observation viendra une lecture claire et limpide de ce qu’il faut commencer par faire, planifier, garder, modifier, abandonner. Autant d’éléments qui après analyse, permettront d’être redoutablement efficient lors de la phase de conception.

On suggère, en permaculture, que cette phase d’observation dure au moins un an, soit quatre saisons sous nos latitudes. Dans les faits, sur un projet ambitieux, comme la mise en place d’un éco-lieu, elle dure bien plus longtemps, puisque de nombreux paramètres, humains, matériels ou naturels viennent systématiquement perturber ce que l’on croyait acquis, ne serait-ce que quelques jours avant.

C'est quoi un éco-lieu - la fleur permaculturelle

Cette observation dépasse la simple contemplation du lieu choisi, même si elle est fondamentale. Lors de la phase d’observation, il s’agira aussi d’observer les motivations, envies, sentiments de celles et ceux qui prendront part au projet, d’observer les fluctuations financières, quelles sont les disponibilités et les possibilités en matériau et en ressources matérielles, le temps, la forme et l’énergie qui peuvent être consacrés au projet par les intervenants.

En résumé, pour reprendre une synthèse extraite de l’ouvrage « Le Génie de la Permaculture » de Steve Read, la phase d’observation initiale doit permettre de déterminer :

  • Est-ce que cette manière de faire/ce projet nous permet de subvenir à nos besoins vitaux: habitat, nourriture, énergie, santé… ?
  • Est-ce que ces méthodes/ce projet produiront quelque chose de bon pour notre environnement naturel et social ?
  • Fonctionneront-elles correctement, ou au contraire, risqueront-elles de nuire à la santé d’êtres vivants (humains ou non), des systèmes (humains ou naturels), voire à toute la biosphère ?

C’est quoi un éco-lieu ? Patience et planification

La patience, c’est pas mon fort. Autant je sais être méticuleux et appliqué dans ce que je fais, autant j’aime que les résultats soient visibles rapidement. Et je suppose que beaucoup de personnes sont dans la même situation.

Car lorsque l’on est motivé par un nouveau projet, on a souvent tendance à partir dans tous les sens, à vouloir tout faire en même temps, au risque de s’essouffler rapidement et d’épuiser toutes les ressources à notre disposition. C’est humain, c’est universel et c’est bien ce qui risque de causer la chute de notre civilisation moderne, si l’on ose l’hyperbole avec les délétères exploitations et extractions rendues possibles par le tout pétrole, dans le seul but de nous prodiguer du confort.

Cette motivation exagérée est encore plus forte dans le cadre d’un projet de groupe, lorsque survient l’émulation collective et d’autres travers liés à la nature humaine, comme l’envie de faire mieux, d’en faire plus pour être reconnu, de s’affirmer au sein du groupe…

Stop ! Posons nous et planifions. Évitons le risque de détruire ce bel élan et la petite communauté formée par celles et ceux qui l’anime. La planification permet de définir des objectifs à court et moyen termes et de déployer des tests qui viendront enrichir l’observation. Les résultats à ces tests nous aiderons à définir et à planifier les actions à mener sur le long terme, dans un cercle vertueux permanent.

Retour d’expérience

Pour exemple, aux Sentiers de l’Awen, nous disposions à notre arrivée d’une importante réserve de bois de chauffage, laissée par le propriétaire précédent. Par contre, nous n’avions pas de parcelle cultivable et ne pouvions pas envisager de faire pousser quoi que ce soit dans le jardin sans y faire de gros aménagements.

Notre première décision fut donc d’essayer de réduire notre besoin de chauffage en utilisant seulement le bois, ce qui nous permettrait de diminuer notre consommation énergétique et de reporter ainsi les économies faites sur l’achat de produits bios auprès de producteurs locaux.

Ce premier test s’avéra concluant, sans nous causer de trop fortes contraintes (il est tout a fait possible de dormir dans une chambre à 16° en rajoutant une couverture) et au-delà du fait de manger mieux et plus sainement, s’inscrire à une AMAP, puis à l’épicerie associative et autogérée de notre secteur, nous a permis d’aller à la rencontre de notre territoire et de nous constituer un réseau.

Par ailleurs, en nous habituant progressivement à ce qu’il est désormais commun d’appeler « la sobriété énergétique » nos économies sont devenues croissantes avec le temps. D’autant plus avec la hausse des coûts de l’énergie et l’inflation que nous connaissons.

Depuis, nous avons ré-orienté une partie de ces économies ainsi qu’un peu d’investissement dans une petite installation photovoltaïque, capable de fournir l’électricité nécessaire à nos trois maisons. Comme nous avions méticuleusement observé nos besoins et rigoureusement planifié son déploiement, aujourd’hui, après six mois à peine d’exploitation, non seulement nous couvrons l’intégralité de nos besoins électriques mais nous gagnons même un peu d’argent.

C'est quoi un éco-lieu - centrale photovoltaïque

Les malheurs du jardinier

En parallèle, notre premier objectif fut la reconversion de certaines zones du jardin en parcelles cultivables. L’année passée en observation nous ayant permise de définir avec précision l’ensoleillement, l’exposition au vent, l’humidité et la nature du sol, nous pûmes déterminer quoi planter et où, afin d’espérer nous assurer une production complémentaire à ce que nous achetions.

Un premier potager « test » de quelques dizaines de plants fut installé dès la première année, mais il fut ravagé par le mildiou. Nous avions pensé au soleil, mais pas à la pluie qui tomba une bonne partie de cet été là, tandis que les températures peinaient à décoller en journée. Bon.

L’année 2022 fut guère plus prolixe, puisque la canicule historique qui frappa le pays nous priva d’eau assez rapidement. Pourtant, nous avions un puits. Malheureusement, ancien et peu utilisé auparavant, il se retrouva tarit dès le milieu de saison.

Cette double expérience nous a conduite à revoir intégralement la distribution des zones de culture et surtout, à nous équiper de receveurs d’eau de pluie déployés à proximité de chaque parcelle cultivée, pour avoir un minimum de chemin à faire, lorsque vient le moment d’irriguer.

Conçue à partir de bidons alimentaires de récupération d’une capacité de 250 l (acheté 7,50 euros pièce), nous disposons désormais d’une réserve quasi-constante de 1000 l. Sera-t-elle suffisante pour arroser nos 200 m² cultivés si les étés caniculaires reviennent chaque année ? Nous verrons. Observation, tests, planification.

Un lieu de découverte de soi et des autres

choisir de vivre en éco-lieu apprend l’humilité. On s’y retrouve seul face à la nature et à soi-même sans que rien, autres que nos propres sensations, sentiments et pensées ne viennent nous perturber. Pour celles et ceux habitués à la rapidité et à l’hyperstimulation citadine, souvent, on va pas se mentir, c’est un cap difficile à passer.

Pourtant, paradoxalement, vivre en éco-lieu redonne aussi un sentiment de fierté, même de ce qui paraît être la plus insignifiante des actions. Ainsi, en éco-lieu, on cultive l’amour de soi à travers celui des autres et de ce qui nous entoure.

Quel plaisir de voir la graine germer, de ramasser des choux ou des patates que l’on a fait pousser, de vivre simplement et néanmoins confortablement loin des standards consuméristes imposés. Tout cela procure une intense sensation de liberté que l’on a vite envie de communiquer.

Car choisir de vivre en éco-lieu, ce n’est pas choisir de vivre isolé. Certes, les activités récréatives y sont plus simples et moins coûteuses. Mais elles y sont moins superficielles aussi, et rien n’est meilleur qu’une veillée autour d’un bon ouvrage (ou même d’une vidéo sur Internet) lorsqu’elle est partagée.

C'est quoi un éco-liue - Une communauté

Choisir de vivre en éco-lieu, c’est donc accepter l’échange et une certaine forme de promiscuité, parfois un peu embarrassante, car elle pousse hors de sa zone de confort. Mais pourquoi s’en priver, si cela permet de mieux se connaître soi-même et que cela prodigue le sentiment de co-construire quelque chose qui fait sens pour soi, pour les autres et pour le monde entier.

En conclusion

Avec Fabienne, travailler de concert sur la conception des Sentiers, et par-delà l’éco-lieu, sur le projet d’éducation populaire qui y est adossé, nous a permis de nous bousculer et de nous redécouvrir dans nos valeurs les plus profondes. Et comme nous n’étions pas toujours en phase, cela nous a contraint à nous réinventer.

A sortir de la chrysalide… De ce carcan imposé par le système productiviste pour lequel nous avions tous deux œuvrés pendant tant d’années. De refaire des pas l’un.e vers l’autre, pour en tirer d’autres convictions, du volontarisme et une forme de sagesse toute nouvelle que nous nous plaisons désormais à transmettre à celles et ceux qui viennent nous visiter.

Depuis le début de cette année, nous nous sommes ouvert au monde, en accueillant en woofing des jeunes venant de différents pays (Allemagne, Danemark, Hongrie, USA…), mais également des stagiaires, la plupart français, souhaitant découvrir la vie en éco-lieu, s’initier à la permaculture ou désireux d’être accompagnés pour entamer une transition écologique et sociale individuelle.

J’espère que ces quelques lignes vous donnerons l’envie d’être les prochains à venir nous rencontrer aux Sentiers de l’Awen, afin d’y expérimenter à nos côtés la résilience heureuse, première pierre d’un futur désirable, celui d’une civilisation solaire à réinventer.